RONCEVAUX
Élie
LAMBERT
In: Bulletin Hispanique. Tome 37,
N°4, 1935. pp. 417-436.
http://www.persee.fr/web/revues/home/prescript/article/hispa_0007-4640_1935_num_37_4_2687
-------------------------------------
RONCEVAUX
*
*
Conférence faite à la Faculté des Lettres de Bordeaux
le 30 avril dernier.
On
se souvient comment, au mois d'août 1934, des informations
sensationnelles furent lancées dans la presse parisienne
au sujet de Roncevaux. Pour commémorer le centenaire
de la première publication du manuscrit d'Oxford
de la Chanson de Roland, nos amis espagnols avaient
organisé de grandes fêtes à Pampelune et à Roncevaux,
et érigé au col d'Ibañeta un monument en l'honneur
de Roland et de ses compagnons d'armes. En fouillant
à cette occasion les ruines de la Chapelle d'Ibañeta,
on ramena au jour plusieurs squelettes; et il n'en
fallut pas davantage pour accréditer la rumeur que
des fouilles heureuses venaient de nous rendre les
ossements des pairs de Charlemagne. Des centaines
d'automobilistes et des correspondants spéciaux
envoyés par les grands journaux accoururent pour
vérifier la découverte, et des lignes émouvantes
et attendries parurent bientôt sur la "Résurrection
de Roland à Roncevaux". La fin des vacances
vint fort à propos rafraîchir les enthousiasmes,
et les touristes laissèrent alors la paix des grands
monts reprendre possession des morts mystérieux
dont l'ensevelissement à Ibañeta ne devait pas remonter
au-delà des guerres de la Révolution et de l'Empire.
Cette
page nouvelle à ajouter à la légende de Roland a
du moins attiré de nouveau l'attention du grand
public sur l'épopée
médiévale et sur le site de Roncevaux. Il n'en sera
donc, nous semble-t-il, que plus à propos d'exposer
ici brièvement ce que nous avons pu récemment constater
en étudiant sur place les lieux où les textes du
Moyen-Age situent la bataille légendaire et les
monuments d'époques diverses que l'on y peut voir
encore aujourd'hui.
Nous
n'avons pas à nous demander ici depuis combien de
temps une des principales routes du pèlerinage de
Compostelle empruntait en passant par Roncevaux
l'antique voie romaine entre Saint-Jean-Pied-de-Port
et Pampelune lorsque l'évêque de cette dernière
ville, Sanche de la Rose, fonda en 1132 un hôpital
destiné à servir d'abri aux pèlerins de Saint-Jacques
de Galice après la dure montée des ports de Cize.
Un article récent de M. Cirot apporte sur cette
question des données importantes que nous paraît
d'ailleurs confirmer indirectement une des conclusions
de la présente étude: nous verrons, en effet, comment
il ne subsiste plus aujourd'hui, sauf erreur, à
Roncevaux, pas plus d'ailleurs qu'entre Roncevaux
et Pampelune, aucun monument du pèlerinage antérieur
au XII siècle, alors que l'on voit encore un certain
nombre de monuments mozarabes et d'églises romanes
du XIe siècle le long de l'autre route qui traversait
les Pyrénées au port d'Aspe, depuis Jaca et San
Juan de la Peña jusqu'à Puente la Reina, puis par-delà
cette dernière étape où les deux routes se réunissaient
désormais pour n'en faire plus qu'une jusqu'à Burgos.
Nous
ne nous demanderons pas davantage quelle confiance
l'on peut accorder aux différents textes relatifs
à Roncevaux avant la fondation du monastère actuel
au XII siècle. Celle-ci nous paraît, en effet, la
première donnée précise et certaine que nous ayons
sur les monuments de la route du pèlerinage qui
franchissait les montagnes du pays basque et navarrais
aux ports de Cize. Elle est fixée par trois textes
sûrs: une charte de l'évêque Sanche de la Rose,
dont quelques détails peuvent paraître suspects,
mais dont il n'y a pas lieu de mettre
en doute les données générales, fait remonter l'origine
du monastère hospitalier de Roncevaux à l'époque
de Sanche de la Rose et du roi de Navarre et d'Aragon
Alphonse le Batailleur, soit entre 1121 et 1134;
une bulle du pape Innocent II confirme cette fondation
en 1137; et un poème des environs de l'an 1200,
sur lequel nous aurons à revenir, précise qu'elle
eut lieu en l'an de l'Ere espagnole 1170, soit en
1132. Quelques années plus tard, aux environs de
1140 suivant M. Bédier, a été rédigé le Livre de
Saint Jacques dont la IVe et la Ve partie, le Guide
du Pèlerin de Compostelle et l'Historia Karoli faussement
attribuée à l'archevêque Turpin, fournissent sur
le site et les monuments de Roncevaux des indications
ayant toute la valeur d'un récit de témoin oculaire.
Qu'y
avait-il dans la région de Roncevaux au XII siècle
? Qu'est-ce que les voyageurs de tout ordre pouvaient
y trouver alors en suivant la route du pèlerinage
qui unissait Saint-Jean-Pied-de-Port à Pampelune
? C'est ce que nous nous proposons d'esquisser d'abord
en partant des données fournies par les textes que
nous venons de citer. Et nous verrons ensuite ce
qui subsiste à Roncevaux des monuments du Moyen-
Age, beaucoup plus qu'on ne l'a généralement indiqué
jusqu'ici, malgré la perte d'une part importante
de ce qui a existé jadis.
*
*
*
Le
Guide du Pèlerin de Compostelle décrit à deux reprises,
dans deux chapitres différents, la difficile traversée
des ports de Cize.
"D'abord,
au pied de la montagne de Cize, sur le versant de
la Gascogne, il y a le bourg de Saint-Michel; puis,
après avoir passé la cime de cette montagne, on
trouve l'hôpital de Roland; puis, vient le bourg
de Roncevaux; puis, on trouve Biscarret.
"Dans
le pays des Basques, la route de Saint-Jacques est
une montagne très élevée que l'on appelle le port
de Cize... Du sommet de cette montagne on peut voir
la mer Britannique et Occidentale et les terres
de trois royaumes, la Castille, l'Aragon [auquel
la Navarre était alors réunie], et la Gaule. Et
au sommet de cette montagne il y a un endroit que
l'on appelle la Croix de Charles, parce que c'est
là que Charles, se rendant jadis en Espagne avec
ses armées, pratiqua un chemin à l'aide de haches,
de pics, de pioches et d'autres instruments, éleva
le premier une croix, et, s 'agenouillant vers la
Galice, adressa une prière à Dieu et à saint Jacques.
C'est pourquoi les pèlerins, s 'agenouillant là
vers la patrie de saint Jacques, y prient selon
l'usage et y plantent chacun une croix. Aussi peut-on
voir mille croix à cet endroit qui est le premier
où l'on prononce l'oraison de saint Jacques. Dans
cette montagne, avant que la chrétienté se fût pleinement
répandue sur la terre d'Espagne, les Navarrais et
les Basques impies avaient l'habitude, non seulement
de dépouiller les pèlerins de Saint-Jacques, mais
encore de les chevaucher comme des ânes et de les
faire périr. A côté de cette montagne, vers le Nord,
il y
a une vallée que l'on appelle la vallée de Charles,
où Charles fut logé avec ses armées quand les guerriers
furent tués à Roncevaux. C'est par là aussi que
passent de nombreux pèlerins de Saint-Jacques qui
ne veulent pas faire l'ascension de la montagne.
Ensuite, dans la descente de cette montagne, on
trouve l'hôpital et l'église dans laquelle est le
rocher que Roland, ce héros si puissant, fendit
d'un triple coup de son épée du haut en bas par
le milieu.
Puis on trouve Roncevaux, l'endroit où eut lieu
jadis une grande bataille où furent tués le roi
Marsire et Olivier et les autres guerriers avec
cent quarante mille Chrétiens et Sarrasins".
Ainsi,
vers le milieu du XIIe siècle, les pèlerins montaient
d'habitude par, la route de faîte, celle qui, après
un crochet par le village de Saint-Michel, montait
directement jusqu'au col de Bentarté, suivait ensuite
le versant sud de l'Altabiscar et rejoignait au
col d'Ibañeta la route actuelle. Beaucoup de pèlerins
prenaient également celle-ci, route de vallée où
des textes plus récents1 nous apprennent que l'on
trouvait vers la fin du XIIIe siècle des abris à
Irausqueta, devenu depuis lors le bourg de Valearlos,
à Gorosgaray, où une ferme existe encore, et enfin
au col même d'Ibañeta, où s'élevait en outre alors
une chapelle dite de Saint-Sauveur. Cette chapelle
d'Ibañeta
appartint jusqu'en 1271 à l'abbaye bénédictine de
Leyre en Navarre; et c'est là que l'on a récemment
exhumé les douze ou quinze squelettes qui ont provoqué
l'émotion que l'on sait. Depuis sa fondation, elle
avait été reconstruite plusieurs fois, dont la dernière
après 1801. Elle existait certainement déjà au XIIIe
siècle, puisqu'elle fut alors cédée au chapitre
de Roncevaux par une donation authentique des moines
de Leyre. Mais, vers 1140, le Guide du Pèlerin n'en
parle pas, ce qui tend à faire penser qu'elle n'existait
pas encore lorsque cet itinéraire, par ailleurs
si précis, fut rédigé. A ce moment, ce n'était pas
encore dans une chapelle, mais en plein air, près
de la Croix de Charles, que les pèlerins adressaient
à genoux leur première oraison à saint Jacques en
terre d'Espagne.
Où
se trouvait alors cette Croix de Charles, monument
si notable qu'elle servait vers cette époque de
délimitation aux diocèses de Bayonne et de Pampelune,
et par là même aux royaumes de France et de Navarre
? C'est ce qu'il est difficile de savoir avec certitude
aujourd'hui, et il faut souhaiter que des fouilles
heureuses et bien conduites fassent quelque jour
la lumière sur ce point. Etait-ce à Bentarté, à
Ibañeta, ou bien entre les deux ? MM. les chanoines
Dubarat et Daranatz, qui ont longuement étudié la
question, sont persuadés qu'elle s'élevait à Ibañeta,
et que la Croix dite des Pèlerins que l'on voit
aujourd'hui un peu au-dessous du monastère de Roncevaux
sur la route de Burguete rappelle le souvenir de
la Croix de Charlemagne et de son emplacement à
Ibañeta. Cette Croix des Pèlerins, qui est d'un
style gothique assez tardif, porte la date de 1471,
commémorant peut-être le deuxième centenaire de
la cession de la chapelle d'Ibañeta par l'abbaye
de Leyre au chapitre collégial de Roncevaux. Et
l'on
sait seulement de façon sûre que vers la fin du
XIIIe siècle la chapelle d'Ibañeta avait également
reçu le nom de Chapelle de Charlemagne et remplacé
la Croix de Charles comme terme de délimitation
entre les diocèses de Bayonne et de Pampelune.
Après
ce qu'il appelle "la montagne", c'est-à-dire
le col lui-même, ou plus exactement la région des
cols avec la partie montagneuse de la route qui
passe sur le versant méridional de la crête entre
Bentarté et Ibañeta, le Guide du Pèlerin de Compostelle
donne de la région de Roncevaux une description
qui ne laisse place à aucun doute. Dans la descente
au-dessous des cols, les pèlerins trouvaient vers
le milieu du XIIe siècle l'hôpital qui venait d'être
fondé par Sanche de la Rose. C'est là, à côté de
l'emplacement du monastère actuel, que la tradition
locale situait l'endroit où Roland était mort et
que l'on montrait le rocher légendaire sur lequel
une église venait d'être construite. Puis commençait
la haute plaine où l'on disait qu'avait eu lieu
la bataille, et au milieu de laquelle se trouvait
le bourg de Roncevaux, c'est-à-dire aujourd'hui
Burguete, "le Burguet de Roncevaux", comme
l'appelait encore au XVIIe siècle l'historien du
Béarn Marca.
La
même tradition locale sur la bataille, très différente
du récit de la Chanson de Roland, se retrouve dans
l'Historia Karoli du Pseudo-Turpin, et il n'y a
rien là de surprenant, puisque ce dernier texte
est dû au môme auteur, ou aux mêmes auteurs, que
le Guide du Pèlerin:
"Alors
Roland, épuisé par une bataille aussi dure, affligé
par la mort de tant de héros chrétiens, souffrant
des grands coups qu'il a reçus des Sarrazins, parvient
seul à travers les bois jusqu'au pied des ports
de Cize; et là, sous un arbre, à côté d'un bloc
de marbre qui se dressait à cet endroit dans la
verdoyante et riche plaine au-dessus de Roncevaux,
il descend de son cheval. Il avait encore avec lui
son épée d'un travail admirable, d'une pénétration
incomparable, d'une force inflexible, d'un éclat
resplendissant, nommée Durandal... Craignant qu'elle
ne tombe aux mains des Sarrazins, il en frappe d'un
terrible coup, pour la briser, le bloc de marbre...
Celui-ci est fendu en deux parties du haut en bas,
et l'épée à deux tranchants reste intacte... "
Une
description fort curieuse et assez complète du monastère
et de l'hôpital de Roncevaux, quelque trois quarts
de siècle après leur fondation, nous est enfin donnée
par un long poème latin de la fin du XIIe ou du
début du XIIIe siècle, celui-là même qui précise
la date initiale de 1132. Composé entre 1100 et
1215 sous le règne du roi de Navarre Sanche le Fort
au temps où le prieur Martin Guerra était à la tête
du monastère, ce poème, qui comprend quarante-deux
strophes monorimes de quatre vers, était, suivant
le mot de M. Bédier, 1' "attrayant prospectus"
de l'hôpital de Roncevaux; véritable notice de propagande
touristique, il s'adressait avec un magnifique
éclectisme à tous les voyageurs que leur route conduisait
par les ports de Cize en leur vantant un confort
des plus modernes; et la diffusion dut en être assez
grande, car il en existe encore deux manuscrits
avec quelques variantes, l'un aux Archives de Roncevaux,
et l'autre à la Bibliothèque de Munich. Voici comment
cette excellente réclame nous décrit l'installation
du monastère au moment de sa plus grande prospérité:
"La
porte est ouverte à tous, malades et bien portants,
non seulement aux catholiques, mais encore aux païens,
aux juifs, aux hérétiques, aux oisifs, aux frivoles,
en un mot aux bons et aux profanes. Dans cette maison
on lave les pieds des pauvres, on leur rase la barbe,
on leur lave la tête, et on leur coupe les cheveux...;
on y rapièce de cuir leurs souliers... Un homme
se tient sur le seuil, offrant du pain à ceux qui
passent... Des femmes parfaitement honnêtes, et
auxquelles on ne peut reprocher ni la saleté ni
la laideur, y sont chargées du service des malades
qu'elles soignent avec une égale piété. Deux maisons
y sont tout à fait appropriées pour recevoir les
malades, l'une pour les femmes, l'autre pour les
hommes... On y voit une salle pleine de fruits,
amandes, grenades, et de toutes sortes de produits
des diverses parties du monde. Les maisons des malades
sont éclairées le jour par la lumière divine, la
nuit par des lampes qui brillent comme la lumière
du matin. Au milieu est un autel consacré à la fois
à sainte Catherine et à sainte Marine... Les malades
reposent dans des lits moelleux et bien parés. Aucun
ne s'en va avant d'avoir recouvré la santé. Ils
trouvent là des salles lavées par des eaux courantes;
on y prépare sur-le-champ des bains à ceux qui en
demandent pour se purifier des impuretés corporelles.
Les compagnons des malades désireux de rester jusqu'à
leur guérison sont traités avec égard sur l'ordre
du père de la confrérie qui leur fait donner ce
qui leur est nécessaire... Lorsque l'un d'eux vient
à trépasser, il est enseveli comme le prescrivent
les Lois et les Ecritures..."
*
* *
Que
subsiste-t-il aujourd'hui à Roncevaux des constructions
qui s'élevaient dans ce site fameux vers la fin
du XIIe siècle, et de celles qui étaient venues
s'y adjoindre ou les remplacer jusqu'à la réforme
qui fut faite du monastère à l'instigation de Philippe
II vers la fin du XVIe siècle et dans les premières
années du XVIIe siècle ? Cette réforme a malheureusement
beaucoup détruit: l'ancien hôpital du Moyen-Age,
qui remontait sou s sa forme première au temps de
l'évêque Sanche de la Rose, a fait place alors à
des bâtiments modernes; de même toute la partie
des bâtiments conventuels qui se trouvait au Sud
du cloître; et l'on fit en outre disparaître presque
toute la décoration sculptée et les nombreux monuments
funéraires qui embellissaient l'église et le cloître
du monastère ou se voyaient le long de la route
suivie depuis des siècles par les pèlerins. Malgré
toutes ces destructions, ce qui subsiste
suffit cependant pour que nous puissions encore
nous rendre compte de tout ce qui avait été accumulé
à cet endroit par les générations pendant près d'un
demi-millénaire.
Groupées
le long de l'ancienne route, sur la gauche en venant
de France, on n'y trouve pas moins de trois églises,
une
du XIIe siècle, appelée aujourd'hui la chapelle
du Saint-Esprit, et deux du XIIIe, la chapelle Saint-Jacques
et l'importante
collégiale Notre-Dame. Sur le flanc Sud de cette
dernière, un cloître carré, rebâti au début du XVIIe
siècle, conserve les grandes lignes du cloître du
Moyen-Age; et si les constructions monastiques qui
bordaient la galerie de celui-ci opposée à la collégiale
ont été remplacées par un grand corps de bâtiment
moderne, une vaste salle capitulaire gothique transformée
de nos jours en chapelle sous le vocable de saint
Augustin s'y ouvre encore du côté de l'Est. La chapelle
du Saint-Esprit et la chapelle Saint-Jacques se
trouvent l'une et l'autre isolées à une centaine
de mètres sur la droite de l'ancien monastère; et
celui-ci constitue un ensemble de constructions
aussi important qu'original, dont le groupement
permet de reconstituer aisément l'histoire de l'hôpital
et du couvent jusqu'à la fin du Moyen-Age, en même
temps que les particularités assez rares de son
architecture s'expliquent par le caractère très
spécial de la fondation hospitalière de Roncevaux.
Le
plan du monastère montre avec évidence que l'ancien
hôpital avait été construit d'abord, et que l'on
y avait ajouté successivement, en allant du Nord
au Sud, la collégiale Notre-Dame, puis le cloître
et les bâtiments qui entouraient celui-ci à l'Est
et au Midi. Les indications fournies par les textes
et l'étude archéologique des monuments eux-mêmes
confirment également cette première donnée, car
les textes nous apprennent que l'hôpital primitif
avait été entrepris en 1132, tandis que la collégiale
avait été construite par le roi de Navarre Sanche
le Fort entre 1199 et 1215, et nous verrons d'autre
part que le style de cette église attestait bien
à l'origine le début du XIIIe siècle, alors que
celui de l'ancienne salle capitulaire marque seulement
la fin du XIVe ou le commencement du XVe. Il en
est résulté une disposition générale tout à fait
exceptionnelle dans l'architecture du
Moyen-Age, la collégiale formant en quelque sorte
à la fois le trait d'union et la séparation entre
l'hôpital proprement dit, dont la fondation avait
été la première raison d'être de l'ensemble, et
le monastère d'Augustins, dont les ressources et
la puissance avaient été en s'accroissant de plus
en plus. Cette richesse même et cette importance
du chapitre de Roncevaux, au fur et à mesure que
l'on avance dans le Moyen-Age, expliquent précisément
dans les constructions réservées à la vie des religieux
la prépondérance exceptionnelle de la salle capitulaire
qui occupe à elle seule toute la largeur du cloître
pour former de ce côté une sorte de tour d'une hauteur
inusitée.
*
* *
La
chapelle dite aujourd'hui du Saint-Esprit est le
seul reste qui nous soit parvenu des constructions
élevées à Roncevaux au XIIe siècle. Elle a été d'ailleurs
très transformée au cours des âges, et c'est ce
qui a généralement empêché jusqu'ici d'en reconnaître
l'ancienneté. On n'y voit guère, en effet, aujourd'hui
du dehors, qu'un bâtiment carré sans grand caractère,
dont les murs extérieurs sont perces de grands arcs
fort simples et maintenant aveuglés, et que surmonte
en guise de toit une fâcheuse pyramide en tôle ondulée.
A l'intérieur, le portique constitué par ces arcs
sert maintenant de cimetière au village et entoure
la chapelle proprement dite, également sur plan
carré, qui ne paraît pas à première vue présenter
beaucoup plus d'intérêt. Mais quand on l'étudié
d'un peu plus près, on se rend compte que sous les
enduits et les badigeonnages modernes qui la défigurent,
la chapelle intérieure est en réalité une oeuvre
ancienne dont la voûte en arc de cloître renforcée
par deux gros arcs en croix paraît remonter au XIIe
siècle. Elle est construite au dessus d'un grand
caveau de même forme qui s'ouvre du côté du Nord
par une large baie en plein cintre, et quelques
restes mutilés de sculptures anciennes se voient
encore dans les murs.
Cette
curieuse construction n'était autre, à l'origine,
que l'église mentionnée par le Guide du Pèlerin
de Compostelle comme s 'élevant à côté de l'ancien
hôpital au-dessus du rocher fendu d'après la légende
par Roland d'un triple coup de Durandal. Dans un
autre chapitre encore, où l'auteur inconnu du Guide
décrit la sépulture de Roland dans la basilique
Saint-Romain de Blaye, il spécifie que cette chapelle
était précisément en construction à l'époque où
il écrivait son livre. On l'avait ensuite ornée
de fresques figurant la bataille avec Roland et
ses compagnons; et c'est pourquoi au XVIIe siècle
encore on y 'montrait aux voyageurs "le sépulcre
de Roland" et l'ossuaire des guerriers tués
à Roncevaux. Pendant longtemps on y donna aux visiteurs
de marque, en souvenir, quelques débris de squelettes:
c'est ainsi que de nombreuses reliques de cette
sorte furent emportées en 1560 par les Français
et les Espagnols qui formaient le cortège d'Elisabeth
de France, donnée en mariage au roi d'Espagne Philippe
II après le traité de Cateau-Cambrésis, et accueillie
à Roncevaux par le cardinal de Burgos en présence
du roi Antoine de Navarre et du cardinal de Bourbon.
Les voyageurs et les pèlerins pouvaient aussi voir
là le rocher que l'on disait avoir été fendu par
Roland: c'est ce que nous atteste en particulier,
entre autres détails, le prêtre bolonais Domenico
Laffi, qui fit vers 1670 le pèlerinage de Saint-Jacques,
et passa alors par Roncevaux:
"Tout
près de l'hospice... il y a une petite chapelle
que fit faire Charlemagne après la mort de Roland
et des autres paladins. Elle est en forme de carré
parfait, pas très haute, et elle est située au propre
lieu où Roland, après la seconde bataille, se mit
à genoux... Là, en ce lieu même,... Charlemagne
fit faire le tombeau de Roland et l'y ensevelit.
Ce tombeau est fait comme une petite chapelle en
carré parfait, et de tous côtés il a environ vingt
pieds de long avec une belle coupole en pyramide
qui porte en haut une belle croix; dedans est le
sépulcre et la muraille. On dit que d'autres paladins
encore y sont enterrés avec Roland. Sur les quatre
faces sont peintes toutes les guerres qui se sont
faites en ce lieu, et aussi la trahison; le tout
est peint en clair-obscur. Au pied de la porte de
cette sépulture est la pierre que Roland trancha
près de la fontaine,... elle est fendue par le milieu
..."
En
réalité, c'était là l'ancien charnier de l'hôpital
du Moyen-Age, tel que le décrit avec précision le
poème "prospectus" dont nous avons cité
plus haut un long passage, à la suite des strophes
que nous avons rapportées:
"Lorsque
l'un d'eux vient à trépasser, il est enseveli comme
le prescrivent les Lois et les Ecritures. Il y a
là une basilique où ceux qui ont payé leur tribut
à la nature reposent pour toujours. Comme elle reçoit
les chairs des morts, on l'appelle à bon droit charnier.
Elle est souvent visitée par la troupe des anges,
comme le fait est attesté par les témoins qui l'ont
entendu. Au milieu de cette basilique, il y a un
magnifique autel pour purifier les âmes de leurs
souillures. On y célèbre le mystère cher au Roi
des Rois et si amer au prince des Ténèbres. Les
pèlerins jacobites qui vont pieusement en quête
de saint Jacques regardent longuement ce. lieu de
sépulture et chantent les louanges de Dieu en fléchissant
les genoux. Ce monument est carré de tous côtés;
le sommet de ce carré est arrondi, et le couronnement
en porte une croix, signe qui abat la rage de l'ennemi."
Sans
doute doit-on entendre par ces derniers mots que
l'édifice était terminé dans le haut par une lanterne
des morts,
elle-même surmontée, suivant l'usage, d'une croix.
Les chapelles funéraires de cette sorte étaient
souvent, en effet, couronnées d'une lanterne des
morts; et il en était ainsi en particulier dans
deux monuments analogues, mais de forme octogonale,
qui se trouvaient plus loin en Navarre sur la route
même du pèlerinage de Compostelle, à Eunate, près
de Puente la Reina, et à Torres del Rio, sur la
route d'Estella à Logroño un peu après Los Arcos.
Cette dernière chapelle a seule conservé son lanternon
terminal; et par une coïncidence remarquable, celle
d'Eunate a été entourée après coup, comme la chapelle
du Saint-Esprit à Roncevaux, d'un portique à arcatures
semblables reproduisant de même la forme de l'édifice
roman qu'il enveloppe sur toutes ses faces.
*
* *
A
côté de la chapelle du Saint-Esprit, la chapelle
Saint-Jacques est aujourd'hui la plus pure de style
et la mieux conservée
de toutes les constructions du Moyen-Age à Roncevaux.
C'est un petit édifice gothique, très élégant dans
sa simplicité.. Bâtie sur plan rectangulaire, elle
comprend deux travées voûtées d'ogives dont la mouluration
accuse le XIIIe siècle.. La porte par laquelle la
chapelle s'ouvre à l'Ouest a un tympan nu orné seulement
d'un chrisme. L'intérieur était éclairé par deux
fenêtres en lancette prenant jour à l'Est et au
Sud; et un oculus aveuglé à l'extérieur lors de
la construction à la façade d'un petit clocher-arcade
plus récent, s'ouvrait en outre au-dessus de la
porte d'entrée. Les voûtes d'ogives retombent à
l'intérieur sur des colonnettes à tailloirs circulaires
et à chapiteaux lisses dont les bases ont également
un profil très pur, et un socle formant banquette
fait tout le tour de la chapelle.
Le
poème qui décrit Roncevaux au temps du prieur Martin
Guerra ne mentionne pas l'existence de la chapelle
Saint-Jacques. Celle-ci a donc été construite après
1215; mais elle doit être d'assez peu postérieure
à cette date, car elle rappelle beaucoup par son
style les parties anciennes de la collégiale Notre-Dame
qui existait, au contraire, déjà à l'époque où ce
curieux texte a été rédigé, et qu'il dit avoir été
édifiée par le roi de Navarre Sanche le Fort.
Beaucoup
plus grande que la chapelle Saint-Jacques, cette
dernière église était sous sa forme première un
monument tout à fait remarquable. Elle comprenait
une nef terminée par une abside à cinq pans et flanquée
de bas-côtés simples que des murs droits limitaient
vers l'Est. Les supports étaient primitivement formés
de grosses colonnes rondes à socles et à tailloirs
circulaires, et le vaisseau central était couvert
de voûtes d'ogives sexpartites. Au-dessus des grandes
arcades se voyait dans la nef un beau triforium,
et des roses y tenaient lieu de fenêtres hautes.
C'était au total une oeuvre d'une architecture gothique
très pure, dont le plan rappelait certaines églises
bourguignonnes comme celle de Pont-sur-Yonne, et
qui était étroitement apparentée à tout un groupe
de
monuments élevés en Castille, à Cuenca, à Sigüenza,
à Santa Maria de Huerta et à Las Huelgas de Burgos,
par le roi Alphonse VIII, l'archevêque de Tolède
Rodrigo Jiménez de Rada et quelques évêques ou prélats
de leur entourage.
Ce
bel édifice a malheureusement beaucoup souffert
au cours des âges et a été en grande partie transformé
au début du XVIIe siècle après avoir été endommagé
par un incendie en 1445. C'est à peine aujourd'hui
si l'on peut restituer ce qu'il était primitivement
d'après les voûtes qui subsistent intactes, et d'après
les supports anciens que l'on voit encore à l'entrée
de l'abside principale. Sans doute retrouverait-on
une grande partie de l'architecture du XIIIe siècle
sous les revêtements qui la défigurent, car on voit
encore dans quelques travées le triforium et les
roses anciennes transparaître en quelque sorte sous
le plâtre des parties hautes de la nef. Mais dans
l'état actuel, celles-ci sont devenues méconnaissables;
presque toutes les piles gothiques ont été noyées
dans de lourds massifs en maçonnerie; de grands
retables du début du XVIIe siècle masquent à l'intérieur
l'abside principale et les murs terminaux des bas-côtés
qui disparaissent au dehors derrière toutes sortes
de constructions plus récentes; et au-dessus de
l'entrée un grand "coro alto" porté sur
deux voûtes de style classique détruit l'harmonie
des proportions du vaisseau gothique en formant
une tribune qui occupe entièrement une des deux
travées doubles de la nef.
La
collégiale Notre-Dame était à l'origine l'église
des pèlerins; elle avait sans doute remplacé une
autre église, que la bulle de 1137 appelle "Sainte-Marie
de la Case-Dieu de Roncevaux"; et le roi Sanche
le Fort s'y était fait ensevelir aux côtés de sa
femme Clémence de Toulouse. Le tombeau des souverains
fondateurs a été détruit en 1622 et remplacé alors
par un mausolée assez médiocre que l'on voit aujourd'hui
à gauche du maître-autel. Lorsque Domenico Laffi
passa à Roncevaux, on voyait encore dans cette église
de nombreux monuments funéraires, et les moines
lui dirent qu'elle était "très ancienne",
que "Charlemagne l'avait fait faire",
et que "l'archevêque Turpin y avait dit la
messe". De nombreuses reliques du trésor de
la collégiale étaient montrées à l'appui
de ces dires, et l'on y fait voir encore aux touristes
les masses d'armes de Roland et d'Olivier, les pantoufles
de Turpin, - qui dateraient en réalité du xvie siècle
-, et "d'autres objets encore, non moins généreusement
attribués aux compagnons de Charlemagne.
Au
Sud de l'église Notre-Dame, le cloître actuel n'a
conservé que les grandes lignes du cloître gothique,
car il avait été reconstruit de 1615 à 1623 par
un architecte de Valcarlos du nom de Juan de Arranegui
y Oyarzun; et l'on détruisit alors les nombreux
tombeaux sculptés qui devaient en faire un véritable
musée. Cependant une petite niche récemment retrouvée
dans le mur de la galerie Nord, à côté de la porte
qui mène à l'église, permet de se faire au moins
une idée de ce que devait être la finesse de son
architecture et de sa décoration; et surtout, dans
la galerie orientale, les trois baies, d'ailleurs
très restaurées, par lesquelles s'ouvre l'ancienne
salle capitulaire, prouvent qu'avant la réforme
du XVIIe siècle, le cloître de Roncevaux et les
bâtiments monastiques qui l'entouraient constituaient
un magnifique ensemble d'art gothique contemporain
de celui que l'on peut encore admirer
à côté de la cathédrale de Pampelune. La salle capitulaire,
aujourd'hui seule conservée de tout cet ensemble,
est remarquable par ses vastes dimensions, sa hauteur
exceptionnelle, et la belle voûte à liernes et à
tiercerons qui la recouvre. En 1912, on y a transporté
l'ancienne statue tombale du roi Sanche le Fort,
qui avait été brisée et enterrée en 1622, et dont
les grandes dimensions rappellent la taille très
supérieure à la moyenne de ce souverain. On a enchâssé
en outre dans le mur oriental, de part et d'autre
de l'autel de la chapelle actuelle, deux consoles
sculptées d'une finesse exquise qui représentent
la Tentation d'Adam et Eve et leur Expulsion du
Paradis terrestre, et qui s'apparentent aux meilleures
sculptures du cloître de Pampelune et de ses annexes.
Il est curieux de constater que les mêmes artistes
sans doute qu'à Pampelune avaient ainsi travaillé
à Roncevaux au XIVe et au XVe siècles, alors que
dans la première moitié du XIIIe, c'est bien plutôt
aux monuments gothiques de Castille que l'on doit
comparer la collégiale Notre-Dame et la chapelle
Saint-Jacques. Ce dernier fait s'explique apparemment
par l'action personnelle du roi Sanche le Fort qui
avait en 1212 combattu à Las Navas de Tolosa aux
côtés d'Alphonse VIII de Castille et de l'archevêque
Rodrigue de Tolède.
*
* *
Lorsque
l'on vient de France par les ports de Cize, en débouchant
de la côte rapide qui descend d'Ibañeta à travers
les hêtres magnifiques qui donnent aujourd'hui à
tout ce paysage une incomparable beauté, on découvre
tout d'un coup dans son ensemble le vénérable monastère
de Sainte-Marie de Roncevaux, avec la tour de sa
collégiale et celle de son ancienne salle capitulaire,
puis, par-delà un grand bâtiment du XVIIe siècle,
la chapelle Saint-Jacques et la chapelle du Saint-Esprit.
Dans ce site admirable, malgré les destructions
et les restaurations, l'ancien hôpital des pèlerins
de Compostelle conserve encore, à côté de l'emplacement
traditionnel de la bataille carolingienne, des restes
importants d'un passé huit fois séculaire; et si
le souvenir de Roland et de ses compagnons l'auréole
toujours du prestige de la légende, la réalité de
l'histoire rendue vivante à nos yeux par un tel
ensemble de monuments du Moyen-Age mérite aussi
d'ajouter à la gloire de Roncevaux. L'étude de ces
monuments permet, nous semble-t-il, de se représenter
de la façon suivante ce qu'ont été là les rapports
entre la légende
épique et le pèlerinage de Saint-Jacques de Galice.
Dans
les hautes vallées de Cize et d'Erro, des traditions
relatives à Charlemagne et à Roland paraissent avoir
précédé la fondation de l'hôpital de Roncevaux par
l'évêque Sanche de la Rose en 1132. Dès avant cette
date, une des routes du pèlerinage de Saint-Jacques
montait par la Vallée de Charles; sur la ligne de
faîte, la Croix de Charles marquait, avec la limite
des diocèses de Bayonne et de Pampelune, le point
où les voyageurs quittaient la France pour entrer
en Espagne; dans la descente qui menait des cols
vers le village, on montrait un rocher de marbre,
appelé le Rocher de Roland parce que celui-ci l'avait,
disait-on, fendu, avant de mourir, d'un triple coup
de son épée; et à partir de ce rocher commençait
la haute plaine où la tradition locale situait l'emplacement
de la bataille carolingienne jusque par-delà le
bourg qui portait alors le nom de Roncevaux et s'appelle
aujourd'hui Burguete.
A
l'époque où fut écrit le Livre de Saint-Jacques,
il ne devait pas y avoir d'église au col même d'Ibañeta,
et "l'Hôpital
de Roland" qui venait d'être fondé un peu plus
bas par Sanche de la Rose n'avait pas encore l'importance
ni la renommée de celui de Sainte-Christine qui
accueillait de même les pèlerins un peu au-dessous
du port d'Aspe avant le village de Canfranc. Sur
le rocher de Roland, on construisit alors, presque
aussitôt après la fondation de l'hôpital de Sanche
de la Rose et à l'époque même de la rédaction du
Guide du pèlerin de Compostelle, une chapelle funéraire
destinée à servir d'ossuaire pour les malheureux
qui étaient morts dans cet hôpital après la rude
étape des ports de Cize. Cette chapelle, qui porte
aujourd'hui le nom de Chapelle du Saint-Esprit
et devait s'appeler alors la Chapelle de Roland,
est actuellement la seule construction du XIIe siècle
qui subsiste à, Roncevaux., et nous n'avons aucune
preuve que d'autres édifices hospitaliers aient
existé à cet endroit au siècle précédent.
La
prospérité croissante du pèlerinage et l'utilisation
toujours plus fréquente des ports de Cize jusqu'au
XVIIe siècle expliquent ensuite l'agrandissement
et l'embellissement du monastère: au XIIIe siècle,
la grande collégiale actuelle fut fondée par le
roi Sanche le Fort pour servir aux pèlerins à la
place de la primitive église de Sainte-Marie de
la Case-Dieu, et la chapelle Saint-Jacques vint
s'ajouter bientôt après à côté de la chapelle dite
aujourd'hui du Saint-Esprit; puis eut lieu aux XIVe
et XVe siècles l'édification du cloître avec sa
salle capitulaire et d'autres bâtiments conventuels
maintenant disparus; enfin, au début du XVIIe siècle,
la réforme du monastère fut suivie de la restauration
ou de la reconstruction de tout cet ensemble monumental
qui reçut alors la forme qu'il devait garder jusqu'à
nos jours.
Cependant
tous ces monuments, qui avaient été d'abord bâtis
pour servir au pèlerinage de Compostelle, furent
de plus en plus étroitement rattachés au souvenir
de la bataille carolingienne. On commença par l'ossuaire
de l'hôpital, cette église que sa construction sur
le rocher légendaire avait fait appeler dès l'origine
la Chapelle de Roland et qui, ornée quelque temps
après de peintures relatant les combats de Roncevaux,
fut bientôt considérée comme une oeuvre édifiée
par Charlemagne pour recevoir les restes des douze
pairs et de leurs compagnons. Vers la fin du Moyen-Age,
toutes les constructions qui jalonnaient la route
depuis Ibañeta jusqu'à Burguete étaient devenues
inséparables de l'histoire du grand Empereur et
de ses preux; on considéra désormais comme des
reliques de Roland ou de Turpin les objets de toutes
sortes que le monastère avait conservés des pèlerins
et des voyageurs passés jadis par les ports de Cize
ou morts à l'hôpital; et l'on finit par rapporter
uniquement à la légende épique les monuments et
les oeuvres d'art dont l'existence à Roncevaux s'expliquait
en réalité par la route du pèlerinage.
Elie
LAMBERT
*
* *

Carte
de la région de Roncevaux.
(Cette
carte a été dressée avec l'aide de M. Musset, professeur
de géographie à la Faculté des Lettres de Caen.)
*
* *

Les
monuments de Roncevaux (croquis schématique, d'après
le plan général de Roncevaux, par J. Fuentes y Ponte).
1.
Chapelle du Saint-Esprit. 2. Collégiale Notre-Dame.
3. Chapelle Saint-Jacques. 4. Cloître.5.
Ancienne salle capitulaire. 6. Anciens bâtiments
monastiques. 7. Ancien hôpital. 8. Passages couverts.
------------------------------------------------------
retour
à Q.Culture Histoire

delhommeb
at wanadoo.fr - 24/01/2013
|